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L'Enfant obscur

Peinture, éducation, naturalisme

Emmanuel Pernoud

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La découverte par les artistes du XIXe siècle du mystère de l'enfance.
- La découverte par le XIXe siècle du mystère de l’enfance. Une approche pluridisciplinaire : comment la littérature, la pensée, à la suite des progrès de l’obstétrique, sont fascinés par l’origine de la vie et la réalité occulte des gênes.

Les images sont profondément impliquées dans la formation de l’enfant. Il s’agit là d’une histoire ancienne : on ne commande pas l’effigie de son enfant à autrui sans souhaiter y voir, et faire voir au monde, l’excellence de son action sur le modèle. Le portrait d’enfant est toujours, d’une façon ou d’une autre, le portrait de ses parents – mais aussi des préceptes du temps. Avec les idées rousseauistes du XVIIIe siècle, nous explique Emmanuel Pernoud, la modélisation picturale de l’enfant connaît une évolution sensible : l’indexation de la pose sur celle des adultes le cède aux apparences attendues du « naturel ». L’innocente harmonie de l’enfant et de la nature confine à la convention chez un Reynolds. Mais le présent ouvrage révèle surtout en quoi, avec le XIXe siècle et dès le Romantisme (chez un Géricault, par exemple), une histoire de l’enfance indéfinie s’est posée très tôt en contradiction avec les représentations éducatives et puériculturelles qui, pour leur part, prônaient l’image d’une enfance définie – par son origine, son lieu de vie, son vêtement, son école, à travers un genre pictural prédestiné à la définition de l’individu : le portrait. Des peintres du XIXe siècle tels Géricault, Corot, Courbet, Manet, Degas tenteront de faire sortir cet enfant « inconnu » de l’image éducative. Certains chercheront, comme Van Gogh, l’infini dans l’enfance ou, comme Gauguin, cette humanité sans pose qui offre à l’homme une autre image de lui-même. Peindre l’inconnu dans l’enfant suppose un certain état de « désarmement » face au motif. Au prix parfois d’un certain renversement des rapports adulte/enfant, peintre/modèle. Emmanuel Pernoud distingue ici avec subtilité toute une gamme d’options inaugurées par cette quête inédite de l’enfance, depuis l’approche affective d’un Renoir en phase avec la nouvelle donne éducative jusqu’à la relation impossible chez un Hodler ou un Knopff, en passant par le regard détaché de toute humanité d’un Degas pris en flagrant délit de vouloir peindre davantage le portrait de l’hérédité que celui d’un enfant. En plein positivisme, ce questionnement rejoint des interrogations en cours dans les ouvrages scientifiques, les traités de pédagogie et d’obstétrique, et la littérature naturaliste, de Dickens à Zola. L’intérêt de cette étude aux vues inédites tient à la confrontation constante de ces différentes sources. Les unes et les autres exhument un sentiment de mystère alors encore très fort face à la vie en train d’éclore, de l’embryon à ce qui est vécu comme le drame primitif de la naissance. Voici de quoi nous inspirer une certaine nostalgie, à nous, parents psychologues, gorgés de littérature pédagogique et puéricultrice, savants de l’enfance campés sur des certitudes de professionnels.