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Ce catalogue d'exposition propose une confrontation saisissante des oeuvres majeures de Rodin, Carriès, Gauguin, Picasso etc. Il dresse aussi une galerie de portraits, qui illustre des audaces expérimentales. En coédition avec le musée d'Orsay.
- Objet de métamorphoses destinées à dissimuler le visage à des fins cosmogoniques, religieuses ou théâtrales dans les sociétés anciennes, le masque connut en Europe, notamment en France, un renouveau et un succès considérable à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, et ceci dans la sculpture comme dans les arts décoratifs.

Étape de travail dans la réalisation d’un portrait, réduction de ce dernier à l’essentiel, élément décoratif ou architectonique, il reste l’un des genres de la sculpture parmi les plus familiers mais également les moins étudiés pour eux-mêmes. Indissociable de l’œuvre de Rodin et de Carriès, le masque demeure néanmoins un accessoire doté d’une « inquiétante étrangeté », qui entre en résonance avec tous les arts visuels, la peinture (Ensor, Munch), l’estampe (Valloton) et la photographie (Steichen). Reflet de l’exposition du musée d’Orsay, cet ouvrage, qui compte une centaine de masques réalisés entre les années 1860 et 1930, des peintures, des photographies, se propose de donner à voir et d’analyser la foisonnante mise en œuvre d’une grammaire visuelle qui pousse l’obsession illusionniste ou le symbolisme jusqu’à l’étrange et parfois l’excentricité jusqu’aux années 1930 (Wildt), mais aussi l’expérimentation continuelle des matériaux de la sculpture (grès émaillé, pâte de verre, bois…). À la fin du XIXe siècle, la fortune du masque, aussi bien comme genre à part entière de la sculpture que comme réponse au cadrage du portrait, était difficilement dissociable des origines mêmes de la technique créant « l’objet » masque : le moulage sur nature. Présence coutumière dans les ateliers, les masques étaient parfois véritablement accumulés. Par ailleurs, c’est à cette période que le masque mortuaire acquit une incontestable autonomie à travers une diffusion grandissante des épreuves : Napoléon, Géricault, Beethoven… En plus de cette fonction dévotionnelle laïque, les masques servaient fréquemment de documents fiables pour la réalisation de portraits. Dans un siècle qui multiplia ces derniers, le pouvoir suggestif du masque, raccourci saisissant de l’individu, a nourri l’imaginaire de nombreux sculpteurs, souvent pensé sur un mode hallucinatoire. Ce contexte culturel eut davantage de conséquences que les origines plus populaires du masque, en particuliers celles du Carnaval, même si un artiste comme Daumier y recourut spontanément pour ses caricatures politiques. Le sens usuel du terme masque depuis la Renaissance – la duplicité – perdura, tout en opérant une translation, et le loup, à proprement parler un demi-masque, porté depuis la Renaissance, ne fut jamais oublié, particulièrement comme accessoire dans le registre du travestissement, de la galanterie ou de la sexualité (Rops). Le masque de théâtre antique et ses codes, la figure de la Gorgone / Méduse continuèrent d’inspirer les artistes tout au long du XIXe siècle. À ces sources vernaculaires ou historicisantes s’ajouta à partir des années 1870 l’engouement pour le Japonisme, qui suscita le développement de collections de masques de théâtre nô, authentiques ou produits pour l’Occident. La fragmentation fut la voie décisive du renouvellement de la sculpture. Élément isolé par l’artiste, le masque, depuis longtemps utilisé en mascaron dans le décor architectural, devint, avec ou sans le cou, une forme d’expression privilégiée du Symbolisme et de l’Art nouveau tant en sculpture que dans les arts décoratifs, ne perdant jamais son rôle d’accessoire, ornant ainsi en chute l’armoire que conçut Carabin ou les poteries de Gauguin. Au début du XXe siècle, prétexte de tentatives plastiques radicales, la vogue des masques dits primitifs, africains ou océaniens, perpétua dans une voie bien différente ce dialogue des arts avec le masque. L’exposition est l’occasion de réunir pour la première fois des œuvres majeures de Rodin, Carriès, Böcklin, Khnopff, Klinger, Gauguin, Picasso et d’artistes moins célèbres mais dont la production de masques se révèle souvent très surprenante, dressant ainsi une galerie de portraits, réelle et imaginaire, séduisante ou menaçante, qui résume bien les audaces expérimentales de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.