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Gauguin et l'École de Pont-Aven

André Cariou

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Écrite par l’ancien directeur du musée des Beaux-Arts de Quimper, seule synthèse récente, tenant compte des dernières recherches, sur l’histoire du mouvement.
 
Paul Gauguin a séjourné trente-quatre mois à Pont-Aven et au Pouldu, à raison de cinq séjours entre 1886 et 1894. Il s’est lié avec une vingtaine de peintres, tels Charles Laval et Émile Bernard, avec lequel il entretint des échanges artistiques féconds et parfois houleux. À distance de l’impressionnisme, il y a inventé un style de peinture s’affirmant par des aplats colorés superposés et séparés par des cernes, selon de nouveaux principes de composition et de formulation de l’espace, établissant une relation inédite entre un thème, perçu d’une manière symbolique, et son expression plastique. Cette technique, qui sera appelée «  synthèse  » ou «  synthétisme  », est l’une des premières ruptures avec la peinture traditionnelle, et donc l’une des premières étapes de la genèse de l’art moderne du xxe  siècle.
Village isolé de Bretagne, Pont-Aven s’est fait connaître dès les années 1830 par le développement d’une colonie d’artistes, français et étrangers, curieux de brosser les paysages sauvages et les costumes traditionnels liés à d’ancestrales traditions. L’arrivée de Gauguin, ses différents séjours et les œuvres magistrales qu’il signe en Bretagne (La Vision après le sermonLa Belle AngèleLe Christ jaune) vont structurer l’histoire de l’école de Pont-Aven. Sa différence d’âge, sa personnalité et son expérience le font passer pour le «  maître  » aux yeux des jeunes artistes. Les mots «  élève  » ou «  leçon  » apparaissent plusieurs fois dans ses écrits lorsqu’il évoque Ernest de Chamaillard, Paul Sérusier, Meijer De Haan, Armand Seguin, Mogens Ballin, Jan Verkade. Le «  synthétisme  » se répand rapidement, en particulier grâce à la magistrale «  leçon  » que reçoit Sérusier en peignant sous la dictée de Gauguin  Le Talisman  (musée d’Orsay), œuvre fondatrice du groupe des Nabis.

Autour de ces recherches se nouent des relations à Pont-Aven ou au hameau du Pouldu, mais aussi à Paris, y compris durant l’absence de Gauguin parti à Tahiti de 1891 à 1894. En marge de ce foyer innovant, certains peintres affichent une réelle indépendance, tels Henry Moret et Maxime Maufra, qui partent sur le motif lors du retour de Gauguin en 1894, et d’autres conservent leur style propre, tel Henri Delavallée, adepte du pointillisme, ou Roderic O’Conor, influencé par Vincent van Gogh. Après le nouveau départ de Gauguin pour Tahiti en 1895, l’école de Pont-Aven trouve des prolongements dans l’influence de Sérusier sur certains peintres qui deviendront abstraits, ou celle de Cuno Amiet sur les futurs membres du groupe Die Brücke à Dresde.

Dès la mort de Gauguin en 1903, ses œuvres océaniennes détrônent les peintures antérieures. Les historiens de l’art peinent à établir, au sein d’une «  école de Pont-Aven  », les relations entre quelques peintres comme Sérusier et Verkade qui poursuivront leurs recherches sur les «  saintes mesures  » et d’autres comme Maufra, Moret ou Loiseau retournés à un impressionnisme plus traditionnel sous l’égide de la galerie Durand-Ruel. Il a fallu attendre les premières expositions ou publications, dans les années 1950, pour découvrir les œuvres de De Haan, Laval ou Filiger, alors oubliés.

Depuis la publication de l’ouvrage de synthèse de Wladyslawa Jaworska,  Paul Gauguin et l’école de Pont-Aven, en 1971, de nombreuses études, expositions et éditions de correspondances ont réduit peu à peu la plupart des zones d’ombre et permettent aujourd’hui de mieux comprendre et de mettre en perspective l’un des épisodes les plus étonnants de l’histoire de la peinture. Elles ont nourri la chronologie détaillée publiée en fin d’ouvrage, outil indispensable pour bien mesurer les relations entre cette vingtaine de peintres, leurs déplacements entre Paris et la Bretagne ou leurs installations dans différents lieux autour de Pont-Aven comme Le Pouldu, Doëlan, Le Huelgoat ou Saint-Nolff. Cette recherche était d’autant plus utile que les études antérieures étaient parfois bâties sur des présentations biographiques sommaires ou inexactes, en particulier du fait d’Émile Bernard animé par l’obsession d’affirmer son antériorité dans l’invention du synthétisme.
Les œuvres reproduites ont été choisies dans les collections publiques et privées du monde entier. La chronologie est richement illustrée par des photographies anciennes des lieux et des artistes. Des articles de la presse locale ou des extraits de lettres et témoignages, parfois inédits, viennent enrichir le propos.